S’il existe bien un médecin méritant notre attention et la reconnaissance de l’histoire des Médecines, c’est bien le Docteur Des Essartz . Qui en effet, le connait encore, si ce n’est parfois grâce à son sirop destiné aux enfants toussant, qu’il nous légua ? Lui-même, enfant peu favorisé à sa naissance, il devint à force de mérite, directeur de l’Académie royale de Médecine et réussit au moins en partie, à y imposer ses idées révolutionnaires en cette période très troublée par ailleurs. Révolutionnaire et Original aussi : prenons un de ses textes pour vous en convaincre:
« Dans le Royaume de Congo , l’ufage du Peuple eft de coucher les enfans nus sur la terre , pour les endurcir & les rendre plus agiles; en effet ils fe remuent & se trainent fur leurs mains & leurs. genoux dès les premiers. mois. Aufli-tôt qu’ils font capables de le fou-tenir fur leurs jambes , on leur attache une sonmette au cou, dans la seule vue de les trouver facilement, lorsqu’ils segarent, car alors on les laiffle courir partout où ils veulent.,
Cêtte méthode d’élever les enfans eft commune à prefque tous les Peuples d’Afrique,ne devions nous pas la copier. »
Né en octobre 1729 dans l’aube, à Bragelone, il était fils de militaire mais hélas pour lui, pas du comte de Bragelone , le héros de Dumas. Très jeune, destiné à devenir militaire, il fut trop vite orphelin de père et de mère avec donc …plus aucun revenu. Son oncle et tuteur, professeur de philosophie, le recueillit puis le délocalisa pour faire ses études à Tonnerre, elles furent aussi du tonnerre. En effet, les » bons Pères » reconnurent vite son intelligence plus largement, ses capacités et l’envoyèrent à Paris, au collège de Beauvais. La voie tracée par la théologie, pour devenir prêtre. Il se rebella et voulut faire médecine. Oui, mais sans le sou, ce ne fut pas si simple !
Seule la faculté de Reims, acceptait en effet alors, les étudiants impécunieux, il y passa ses diplômes. Pour un peu gagner sa vie enfin, il s’installa médecin des pauvres mais pas qu’eux, encore un paradoxe chez lui, à Villers Cotterêts. Grâce à ses anciens contacts religieux, au duc de Barbançon et …essentiellement, ses qualités, il devint médecin du Duc d’Orléans, pas si mal pour un médecin de campagne et de famille. En exerçant la médecine, il prit le temps d’observer ses patients et leurs pratiques notamment celles sur » l’élevage des enfants », beaucoup trop d’entre eux mourraient jeunes, par manque de soins et d’hygiène.
Fidèle à ce qui devait devenir une habitude chez lui, il continua de ruer dans les brancards en publiant un traité sur »-le dit élevage des enfants, écoutons le : » Cet exposé porte sur les principaux dangers qu’entraine la méthode ordinaire d’emmaillotter les enfans, doit nous attendrir fur le fort de ces infortunés. Quand même ils n’auroient pas à craindre d’aufi grands maus de leur maillot, ne feroit-ce pas allez pour nous faire abandonner une méthode aufli cruelle, que de prellenoir les douleurs qu’elle leur peut caufer ? Gênés dans leurs entraves ils partagent leur exitence ‘entre le fommeil & les pleurs. ».
Révolutionnaire déjà, il demande de ne plus emprisonner les enfants dans des langes serrés, mais aussi de ne plus les confier, dès leur naissance, à des nourrices, prônant l’allaitement maternel et conseillant aux mères, de passer du temps avec les bébés .
« Nous prouverons que le lait eft la nourriture la plus convenable à l’enfant.
que le lair de femme elt préférable au lait des animaux.
que cellide la mere eft préférable à celui d’une
Nourice émangere. »
Un traité moderne qui fut sans scrupule et largement « pompé » par Jean Jacques Rousseau en mal d’inspiration , pour écrire l’Emile, aussi peu reconnaissant pour ses emprunts au dr Dessesartz, qu’envers ses propres enfants confiés à l’Assistance Publique … Ou, comment ne pas suivre les conseils que l’on préconise ! Villers fut très vite, trop petit pour son esprit créatif. Destination Paris !
À Paris, il devint professeur de chirurgie en 1770, de pharmacie en 1773, en 1776 Doyen de la faculté de Paris. Le docteur des Essartz est alors suspendu temporairement, considéré comme rebelle. Il s’était en effet opposé, révolutionnaire avant l’heure, à la création de l’Académie royale de médecine, susceptible selon lui, de faire de l’ombre à la faculté qu’il dirigeait. Ayant échoué dans son combat, il en prit la présidence, une belle prise, surtout une sacrée tribune !
Il ne cessa pas pour autant d’exercer la médecine et avec un autre rebelle, le Dr Armand Trousseau, grâce à leurs soins osés et alors peu conventionnels, ils sauvèrent le fils du savant Cuvier, « d’étouffement », atteint par le Croup. Il défendit vigoureusement la vaccination contre la variole (appelée alors petite vérole).
En bon rebelle, il réussit à passer sans encombre, la Révolution française, en se recentrant sur sa médecine et mettant au point un sirop anti tussif pour les enfants, en utilisant l’électricité contre les maladies nerveuses et en continuant d’écrire de nombreux traités tous très étonnants pour l’époque.
Son invention donc : Le sirop dit de Dessesartz contient de l’Ipéca, du coquelicot, du serpolet, du séné, de la fleur d’oranger et a été victorieusement testé lors de la coqueluche du jeune Cuvier .
Il mourut à 81ans, après un parcours oh combien atypique ,à Paris rue du Cul-de-sac Sourdis, angle de la rue des Fossés, ça ne s’invente pas, l’histoire à parfois de sacrés clins d’œil.
Reconnaissant des services rendus , Cuvier prononça son éloge funèbre , depuis silence , il n’apparait plus dans les manuels que sous le nom de son sirop du codex.
Conclusions étonnantes pour l’époque et si modernes de Desessartz sur les pratiques humaines : « Que les animaux guides par leur feul intina nous donnent tous les jours des leçons frappantes fur les devoirs de pere & de mere! Et que ces leçons doivent être humiliantes pour homme, qui se glorifie d’être le Roi de ces êtres peut être niais, mais beaucoup plus justes, plus tendres & plus généreux que lui.
Témoignage d’une mère, à qui il avait demandé d’allaiter son enfant : »Il m’est difficile de rendre compte de ce qui s’est passé en moi, j’ai senti une commotion que je ne peux comparer qu’à celle que produit l’étincelle électrique , elle s’est épanouie dans tout mon corps en y répandant une chaleur délicieuse à laquelle a succédé le calme d’une volupté inexprimable, lorsque mon enfant a saisi le mamelon et a fait couler la liqueur que la nature et ma tendresse lui destinaient «
Dr J Labescat