Si Marcel Proust a transformé une madeleine en œuvre littéraire, il a aussi laissé son empreinte durable dans la cité des Doges , et plus précisément, place Saint Marc au célèbre Café Florian. Rêvons un peu : Imaginons l’écrivain , avec son écharpe en cachemire , son imagination suivant les méandres de sa mémoire, en déambulant dans les canaux vénitiens. Mais , que faisait-il vraiment à Venise ?
Le Café Florian fut fondé en 1720, en un lieu où l’on s’arrête en même temps que le temps. Proust, qui avait l’habitude de disséquer chaque instant de sa vie pour en extraire une quintessence littéraire, y trouvait un terrain de jeu idéal. Imaginons le, assis à sa table en marbre, observant de sa plume, les touristes et les vénitiens avec la même intensité qu’il mettait à décrire les salons parisiens ou normands.
“Ah, Venise !” soupirait-il, en trempant son biscuit, peut être une madeleine, dans son café. “Cette ville est ma madeleine géante, chaque canal une bouchée de souvenirs.” De quoi noircir une nouvelle page de “À la recherche du temps perdu” . Sa boisson avalée, la pâtisserie digérée, les ressorts du siège commençaient à trop se contorsionner, il fallait y aller,
Un tour de canal, alors ? . Marcel Proust aimait se promener en gondole, laisser les eaux vertes de la lagune se refermer sur ses pensées, tout en apostrophant son rameur. “Gondolier, gondolier, pourriez-vous ramer un peu plus doucement ? Je suis en train de composer une phrase à la Proust de trois pages donc!” le pauvre gondolier, habitué aux touristes pressés , surtout pressé de toucher ses émoluments , devait se demander perdu dans ses pensées , enveloppé par les odeurs des essi exhalés par les fenêtres entrouvertes, si Teresa sa compagne, avait seulement eu la bonne idée de lui en préparer pour son plat de sortie du midi, il en ferait un repas entier à s’en trouver tout ballonné , se disait-il , tout en évitant pour ménager son embarcation de heurter de sa forcola, les pilotis des palais affleurant peu et mal parmi les « hautes eaux » de la marée haute , veillant aussi à escamoter l’arrondi des ponts rabaissé par la montée des eaux, tout en ramant, imaginant mal ce que ce drôle de Français pouvait bien écrire , de sa main libre , celle non immergée dans le courant lagunaire , accompagnant des ondulations de sa plume , le balancement permanent mais non contrariant , au contraire , incitatif de l’esquif .
Le Café Florian était un lieu incontournable de rencontres. Proust y croisait des artistes, des écrivains, et surtout des personnages hauts en couleur. Imaginons la scène : L’écrivain, comme d’habitude, plongé dans ses pensées, interrompu par un Vénitien exubérant. “Monsieur Proust, vous écrivez encore sur vos madeleines ? Mais goûtez donc nos cannoli !” Et Proust, de répondre : “Ah, cher ami, chaque pâtisserie a son histoire, mais la madeleine, elle, a mon cœur.”Le café, il le fréquentait le jour, mais aussi et peut être surtout, la nuit.
Les soirées au Café Florian étaient particulièrement animées. Proust, pourtant pas un grand amateur de foule, y trouvait une inspiration certaine “Regardez-moi ces lumières, ces rires, ces personnes dignes de roman, ces conversations !” pensait-il. “C’est comme si chaque instant était une petite madeleine de bonheur à conserver dans la boite consacrée.” A son habitude, il notait tout, transformant chaque détail en une phrase poétiquement interminable. Même pour les écrivains , les voyages ont une fin , le retour une douce obligation.
la tête pleine de souvenirs e nouvelles idées, ’auteur retournait à Paris “Ah, Paris, tu es bien fade comparée à Venise !” devait-il soupirer, en reprenant ses mélancoliques habitudes. Venise et le Café Florian, ces lieux magiques, n’étaient plus que sources inépuisables d’inspiration, elles mêmes créatrices d’une logorrhée de plume.
Et ainsi, l’homme qui a fait d’une madeleine un symbole littéraire, a également laissé son empreinte à Venise, pas seulement celle de son fessier sur un siège déjà défoncé . Le Café Florian, témoin de ses réflexions et de ses rencontres, reste un lieu chargé d’histoire et de souvenirs. Et qui sait, peut-être qu’un jour, en sirotant un Casanova (chocolat chaud agrémenté de chantilly et aphrodisiaque, comme son nom l’indique) vous aussi serez inspiré par l’esprit du Maître de Cabourg. Prévoyez un petit budget, les consommations au Florian sont chargées et pas seulement du poids de l’histoire.