3- Fracastor le diascordium et le mal français ou encore, les roses rouges de damas
On est en 1535, vainqueur de Pavie 10 ans auparavant, L’empereur Charles Quint traversait la ville italienne de Peschiera. Il était en fait venu pour contrôler à la mort du duc François II Storza, la succession du duché de Milan. En effet, François Ier, l’éternel rival mais, désormais libre, aurait bien aimé récupérer la couronne ducale. La foule était nombreuse, le soleil harassant, son idée était de gagner au plus vite un palais à l’ombre pour fuir cette poudre dorée volant partout au point de rendre même sa respiration haletante. La progression était lente tant le monde venu l’admirer ou opportunément l’honorer était nombreux.
A ses côtés, le cardinal Madrucci lui fit remarquer un petit homme au physique banal mais facilement reconnaissable à son nez aplati et un peu retroussé. Ce n’était pas là sa seule distinction : poète mais aussi médecin il avait composé un poème sur le mal des Français, tout en nommant la syphilis et décrivant ses traitements.
Un mal qui correspondait (en 1493) au passage des soldats de Charles VIII à Naples et des rencontres fortuites, heureuses ou forcées des soldats du roi de France et des napolitaines les moins farouches attirées ou contraintes par l’uniforme. On doit à la vérité historique de reconnaître que la syphilis décrite par Fracastor, à plutôt été introduite en Europe par les équipiers de Christophe Colomb à son retour des Amériques.
Le poème du nom : syphilis sive morbus gallicus Hieronimii Francastori
« Chose étrange ce mal introduit dans le corps
parfois avec lenteur se traduit au dehors
et souvent sans qu’il donne un signe manifeste
la lune quatre fois forme son plein céleste
il se cache, il hésite, il couve sourdement …
Ce mal : Francastor lui donne un nom : Syphilis du nom du pâtre syphile fausse victime de vénus.
il continue son poème :
« Syphilis à ce nom que saisi de scrupule
Un vulgaire lecteur s’épouvante et recule..
Mais comment aborder l’histoire ou le poème
D’un fléau qui pour nous est encore un problème
Etre indéfinissable agent mystérieux
Qui naquit on ne sait en quels temps en quels lieux..
Soit que le mal impur , dès le berceau des âges
Ait sur le genre humain promené ses ravages
Soit qu’il ait pris son vol depuis un temps moins long
De ce monde inconnu que devina Colomb
Et que l’Amérique ait conquis l’Europe conquérante…
Ce grand empoisonneur tient tout sous son empire..
Il saisit à la fois le docte et l’ignorant
Le riche en son hôtel, le pauvre en sa cabane
L’impie et l’homme saint qu’abrite mal la soutane..
Il n’est pas un seul homme et dans l’homme une seule veine
Où quoique bien souvent encore non révélé
Le virus destructeur ne soit inoculé…
Et les rois, chevaliers dans leurs ardeurs courtisanes
Peuvent mettre en leur lit des maîtresses bourgeoises
Sans voir sous leurs rideaux semés de fleurs de lis,
L’inévitable mort escortant syphilis… »
Un poème à la Virgile à la fois poétique et scientifique et qui fit date au point qu’on le cite encore et que le nom du mal est toujours utilisé même si la maladie se fait plus rare. Et le côté amusant de l’histoire est que cette ode syphilis ou mal des Français fut dédié en son temps au cardinal Bembo secrétaire du pape Léon X . Doit on y voir une astuce, une provocation ou simplement une ode honorifique ? Qui pourrait le dire à part l’intéressé lui même.
Après une description scientifique des atteintes syphilitiques, poétiques mais foncièrement crues, que nous vous avons évitées, le Dr Fracastor insiste sur le traitement à donner et susceptible pour lui de guérisons. Non pas tellement le mercure alors largement utilisé, que des plantes comme le gaïac, la salsepareille ou encore le sassafras, mais aussi la squine. …
Mais qui est donc ce docteur Fracastor ?
Né à Vérone en 1483, d’une famille prospère, jérôme a mal commencé son entrée dans le monde : Né les lèvres soudées, on eut du mal à l’alimenter avant qu’il ne soit opéré. Ce n’est pas tout, tout jeune encore, sa mère le tenant dans ses bras fut foudroyée et lui s’en sortit sans une égratignure, excepté à en devenir orphelin. Etre miraculé était un signe d’avenir prometteur et pour une fois les signes ne se trompèrent pas.
Jérôme débuta par la poésie, puis la philosophie. Puis le droit à Bologne et Padoue ou il rencontra Copernic et l’astronomie. Selon ses biographes, ce serait même à force de contempler les étoiles qu’il aurait donné cette forme si particulière à son nez. A Padoue, il devait s’ennuyer et étudia les mathématiques, et la médecine. Il fut nommé médecin en 1502, pas mal à 19 ans, mais il exerça la philosophie pendant 1 an avant de devenir le médecin personnel de celui qui allait devenir le pape Paul III. Devenu rapidement célèbre en traitant la stérilité de Catherine de Médicis avec le résultat que l’on connaît.
C’est en 1530 qu’il composa le poème qui contribua largement à sa célébrité déjà naissante, un poème, comme on l’a vu, dédié au secrétaire pontifical. Il fallait oser dédicacer un poème sur la syphilis à un homme d’église, les tabous n’existaient pas encore. Du moins pas les mêmes…
Après avoir beaucoup bourlingué y compris comme médecin des troupes vénitiennes, à la fin de sa vie, retiré dans la maison de campagne de son enfance, près de Vérone, il consacrait son temps à soigner par les plantes qu’il connaissait et utilisait largement. Mais aussi à ses amis et à l’étude des étoiles qui ne l’avait jamais quitté. A 71 ans il mourut d’apoplexie et…d’incompréhension. Le 8 aout 1553, Privé de parole, il ne put se faire comprendre et n’eut pas droit ainsi aux sangsues et aux herbes aromatiques qui l’auraient peut être sauvé.
Six ans plus tard sa ville de vérone lui édifiait une statue.
Sur le socle cette inscription :
Hieronimo Fracastori..ex publica auctoritate anno MDLIX
En dehors de la description de la syphilis Fracastor établit aussi les règles et les modes de contagion, il en donne la description dans son traité contag et morbis contagiosis. Et dans ce même traité il donne la recette d’un élixir souverrain : le diascordium pour empêcher toute contagion et évolution funeste de maladies telles que la syphilis mais aussi la phtisie.
Pour la syphilis il utilise essentiellement le Gaiac, la salsepareille , le sassafras et la squine.
Salsepareille
En latin Smilax
Mais aussi appelée : salsepareille d’Europe, liseron épineux,
Son domaine d’action : peau, articulations, reins et sexe
Ambroise Paré
Des le milieu du XVI ème siècle on trouve l’utilisation de la salsepareille comme plante médicinale, Ambroise Paré lui même l’aurait employée. Au fait d’où provient le nom de cet arbrisseau se rependant un peu comme des treilles et bien justement de là. Plus précisément de l’espagnol, du portugais et de l’arabe mêlé. De l’arabe zarza epine et de l’espagnol parilla : treille. Ainsi ses vrilles se répandent jusqu’à plus de trois mètres.de haut . Ses lianes sont si solides que la pénétrer est souvent difficile et périlleux à cause des épines. Sa floraison se fait en été sous nos climats et les fruits arrivent en fin d’année à maturité. Un arbuste qui s’est bien acclimaté en France mais qui aime les terres sèches des continents américains, comme africains ou asiatiques.
Dans nos jardins, elle est désormais cultivée comme plante ornementale.
Refroidissement et douleurs
C’est la racine de la plante que l’on utilise en médecine pour ses actions diurétiques et activant la circulation. Elle lutte efficacement contre les refroidissements et les douleurs articulaires. Drainant les émonctoires, elle est aussi efficace contre les maladies de peau que ce soit l’eczéma ou le psoriasis.
Mais la racine a aussi la réputation d’être stimulante au point d’être …aphrodisiaque. Mais elle est aussi efficace pour combattre la ménopause.
Classiquement Fracastor en son temps combattait la syphilis et la tuberulose grâce au sirop de salsepareille.
Mode d’emploi
La décoction de racine à raison d’1 cuillérée à soupe par tasse deux à trois tasses par jour en cure selon l’affection.
Les jeunes pousses peuvent aussi être consommées à la manière des asperges
Clin d’œil I]
La salsepareille en littérature :
La plante est celle préférée des Schtroumpfs et selon Peyo leur donnerait leur couleur bleue.
Clin d’œil II dans le Vème art
Dans L’Homme qui n’a pas d’étoile (Man without a Star) réalisé par King Vidor en 1955, c’est la boisson conseillée pour l’after quand le whisky a trop coulé à flots
Dans le film The Big Lebowski des frères Coen (1998), on la retrouve aussi consommée là en boisson
Dans la série télévisée Mentalist, en 2013), la salsepareille est une boisson que commande Patrick Jane au bar]
Sassafras
En latin sassafras officinale ou albidum mais aussi laurier des iroquois, saxifras ou saloop.
L’arbre originaire d’Amérique ou d’Asie peut atteindre 18 mètres. Son bois a une odeur de fenouil et son feuillage celle des agrumes,
Son domaine
L’addiction au tabac, constipation, diurétique, rhumatismes, ballonnement abdominal, stress.
Vient du nouveau monde
Originaire de la côte est du nouveau monde (entre le Maine et la Floride), le sassafras était utilisé par les indiens (Choctaws, Cherokee) Son écorce, Ses racines et ses feuilles mais surtout son bois étaient utilisé en médecine mais surtout pour parfumer les plats. En particulier le gumbo ou filé des cuisines créole et Cajun. Une vertu culinaire inventée par les indiens Choctaw.
Lors de la colonisation du nouveau monde par les Espagnols, le sassafras fut rapidement rapporté en Europe pour s’en servir.
Principales Indications
L’utilisation en infusion du bois diminuerait l’addiction au tabac chez les personnes désireuses d’arrêter de fumer.
Mais aussi le bois est utilisé contre les troubles digestifs, des ballonnements à la constipation et la colopathie en général.
Une efficacité aussi comme antiseptique, anti catarrhal et sudorifique. Des propriétés qui justifient par Fracastor l’utilisation du sassafras, de la salsepareille, du gaiac dans un électuaire appelé Diascordium comprenant en plus des roses rouges de Damas et aussi du scordium, de la cannelle, de la gentiane ou encore du gingembre.
Grace à ses composants aromatiques, la plante est aussi efficace contre les rhumatismes, les inflammations des voies urinaires mais aussi sur les atteintes de la peau comme en cas de psoriasis.
Mode d’emploi
Comme épice : Les feuilles sont séchées, broyées puis finement tamisées. Cette poudre est un ingrédient (aromatisant et épaississant) essentiel de la cuisine Cajun. Les racines donnent une infusion qui évoque l’orange et la vanille, elles sont utilisées comme aromatisant du tabac, des crèmes glacées, des dentifrices.
En médecine, c’est son bois grisâtre riche en veines concentriques et non son écorce rougeâtre qui est employé. Aromatique rappelant l’odeur du fenouil, il est riche en huile essentielle. une Huile essentielle riche en safrol, alpha-pinène et béta-pinène, phellandrène
L’utilisation de la décoction ou de l’infusion doit être limitée à 7 jours.
Utilisation et Précautions d’emploi de l’huile essentielle.
Attention, pas d’usage interne, l’HE est interdite par voie interne
Le safrole est réputé cancérigène (hépatocarcinomes)
Et l’HE interdite aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes et aux enfants de moins de 12 ans
En Usage externe
Dans l’eau du bain, l’huile essentielle de sassafras est un bon stimulant qui aide à surmonter la fatigue, donne de l’énergie; soulage les douleurs rhumatismales, les douleurs et les spasmes musculaires et l’hypertension artérielle.
En facial, l’huile essentielle de sassafras combat l’acné et d’autres maladies de la peau.
En compresses, elle guérit les plaies, soulage les piqûres d’insectes et d’autres irritations cutanées.