En 1818, le philosophe allemand Arthur Schopenhauer se rendit à Venise, une ville qui avait déjà captivé de nombreux esprits artistiques et littéraires. Parmi eux, Lord Byron, le célèbre poète anglais, résidait également à Venise à cette époque. Cette synchronicité aurait pu donner lieu à une rencontre mémorable entre deux des plus grands penseurs de leur temps, mais le destin ou plutôt l’amour en décida autrement.
Arthur Schopenhauer, né en 1788 à Danzig (aujourd’hui Gdańsk, en Pologne), d’une famille de riches marchands n’avait pas décidé de suivre la voie paternelle. L’héritage familial ne fut que financier , ce qui lui permit de mener une vie intellectuelle et surtout de voyageur impénitent.
Il était déjà un philosophe reconnu, bien que son œuvre majeure, “Le Monde comme volonté et comme représentation”, n’ait pas encore trouvé le succès qu’elle méritait quand il choisit de partir pour Venise.
Schopenhauer, connu pour son pessimisme et sa critique acerbe de la société, mais pas vraiment sa misanthropie , voyait en l’Italie , un refuge pour ses réflexions philosophiques. Avant de s’y rendre, Il avait reçu de Goethe une lettre d’introduction pour Lord Byron, qui séjournait alors à Venise. Cette lettre aurait pu être le sésame pour une rencontre intellectuelle étonnante , certainement d’une rare intensité, mais Schopenhauer ne put l’utiliser.
Lors de son séjour en effet , Schopenhauer pas si détaché qu’il l’écrivait sur les plaisirs charnels, débuta une aventure amoureuse avec une certaine Teresa. Cette relation, bien que brève, marqua profondément le philosophe. Allait -il changer sa vision sociétale, ou sinon son mode de vie ? Cependant, c’est une autre rencontre, ou plutôt une non-rencontre, qui allait devenir l’anecdote la plus célèbre de ce voyage.
Un jour, alors qu’il se promenait au Lido en compagnie de sa compagne, celle-ci s’exclama, toute émoustillée : “Ecco ! il poeta inglese !”Au moment précis, où Lord Byron passait à cheval devant eux. La vision du poète fit une si forte impression sur la dame, qu’elle ne ne put oublier cette apparition de toute la journée. Un vrai « tue l’amour », ce Byron . Pris d’une soudaine jalousie, Schopenhauer, décida de ne pas remettre la lettre de Goethe à Byron, donc de ne pas le rencontrer et même de le fuir, craignant de se faire “cocufier” par le charismatique poète. Cette décision, qu’il regrettera plus tard, priva le monde d’une rencontre potentiellement riche en échanges intellectuels et artistiques. Il quitta bien vite Teresa , mais cependant pas Venise.
Lord Byron, de son côté, était profondément attaché à Venise. Il y écrivit certaines de ses plus belles poésies, dont le célèbre “Childe Harold”. La ville, avec ses canaux romantiques et son atmosphère unique, inspirait le poète et nourrissait son imagination. Byron, connu pour son style de vie flamboyant et ses nombreuses conquêtes amoureuses, trouvait dans Venise un terrain fertile pour ses aventures et ses réflexions poétiques. Teresa en fit-elle partie , nul ne l’a raconté !
Bien malgré elle ou peut être pas , Teresa a donc été la responsable d’une tragédie intellectuelle : la non rencontre entre le poète romantique flamboyant et le philosophe stoïcien pessimiste. Qui aurait influencé l’autre ou pas, nul peut le dire sauf peut être Teresa mais l’histoire ne dit pas si elle a chevauché de concert avec son poète anglais préféré .
A suivre
dr j Labescat