Sur le Figaro cette semaine un grand merci à Nathalie Szapiro

lundi 27 février 2017 LE FIGARO

DOSSIER SANTÉ

À défaut de pouvoir acquérir un vrai diplôme d’herboriste, supprimé en France en 1941 et jamais rétabli depuis, on peut suivre des cours dans ces ateliers d’initiation aux herbes médicinales qui commencent à essaimer en France. BIGOT/ANDIA.FR

Nous avons une progression,

d’appels liés à des rituels ancestraux de désenvoûtement au cours desquels les victimes absorbent par exemple des métaux lourds tels que le plomb, sources d’intoxications aiguës ou chroniques

DR JEAN-MARC SAPORI, CENTRE ANTIPOISON, À LYON

EXEMPLES PRATIQUES

L’infusion de ronce est utile contre les maux de gorge, l’infusion de thym est
un anti-infectieux des voies respiratoires, l’infusion de fleurs séchées de lavande favorise le sommeil, etc. Côté décoctions, par exemple,
la racine de pissenlit est utile pour la digestion.
La macération à froid de fleurs de calendula ou de millepertuis peut s’appliquer directement sur la peau : la première est cicatrisante, la seconde, anti-inflammatoire.
Quel que soit le remède choisi, il faut avoir fait le bon diagnostic. « Pour limiter les risques d’erreur du novice, les règles de base de l’automédication doivent s’appliquer. Il faut donc s’en tenir aux troubles mineurs, ponctuels (moins de 48 heures) et avec un seul remède (réputé bien toléré) à la fois », insistent les Drs Sapori, Oliva-Labadie et Labescat. « Enfin, comme “c’est la dose qui fait le poison” (Paracelse), on n’innove pas chez un nourrisson, une personne très âgée, une femme enceinte… Si l’on tient à leur donner un remède naturel, on voit un médecin phytothérapeute : chacun
son métier ! » N. S.-M.

DR NATHALIE SZAPIRO-MANOUKIAN

DÉCOCTIONS Tombées en désuétude avec l’essor de l’industrie pharmaceutique, les préparations à base d’herbes médicinales reviennent en force en réaction aux scandales sanitaires, par refus du «tout-industriel» et du «tout-chimique», mais aussi par envie d’un retour aux sources et au «Do it your-self», source de satisfaction à trouver soi-même une solution écologique et économique.

Ce retour de la créativité s’observe dans des domaines aussi variés que la santé, la beauté, les tâches domestiques, etc. «Avec la venue de mon bébé, j’avais envie d’un environnement plus sain », résume une jeune maman sur un forum. Conséquence, les sites consacrés aux remèdes de grand-mère sont légion, auxquels viennent s’ajouter de nouveaux livres sur le sujet, édités chaque année, des magazines spécialisés, des féminins qui y vont tous de leur petite recette et même la naissance d’ateliers d’initiation aux herbes médicinales, à défaut de pouvoir acquérir un vrai diplôme d’herboriste, supprimé en d’inactivation sur le virus du sida. Pour autant, rien ne dit qu’il en est de même quand il est injecté dans le vagin et que cette pratique est sans risque ! Mettre du jus de citron à la place d’un préservatif – dont l’efficacité est, elle, incontestable – c’est prendre le gros risque de ne pas être protégé.

Enfin, avec certaines pratiques farfelues, il n’y a même pas un fond de vérité. «Sucer le venin en cas de morsure de serpent, mettre de l’antipuce à un enfant pour en finir avec ses poux, c’est carrément dangereux. Boire du lait en cas d’empoisonnement, c’est inefficace», insiste le Dr Magali Oliva-Labadie, responsable médical du centre antipoison du CHU de Bordeaux.

« Ces remèdes bidons posent d’ailleurs la question de la fiabilité des sour- ces : ce n’est pas parce qu’une personne dit l’avoir testé avec succès que c’est vrai ! Ce n’est pas non plus parce qu’un escargot en mange que c’est comestible. Et ce n’est pas parce que ça a poussé à la troisième lune ou que c’est naturel que c’est sans danger, sinon, les champignons hallucinogènes seraient inoffensifs ! », poursuit le Dr Oliva-Labadie.

DR MAGALI OLIVA-LABADIE (CENTRE ANTIPOISON DU CHU DE BORDEAUX)

indispensable de vérifier les sources et de croiser l’information avec des livres spécialisés, l’avis d’un phytothérapeute, l’appel à un centre antipoison, etc. : si elles abondent toutes dans le même sens, alors, c’est rassurant.

« AUTREFOIS, les anciennes générations apprenaient aux jeunes à reconnaître les plantes, les terrains propices, les parties à utiliser, leur mode de préparation et d’administration. Cette transmission s’est perdue. Aujourd’hui, beaucoup tentent d’y revenir, mais avec une information parcellaire, piochée sur Internet. Conséquence : nous avons de plus en plus d’appels liés à de possibles confusions lors de la cueillette », notent les Drs Jean-Marc Sapori (Centre anti-poison de Lyon) et Magali Oliva-Labadie (CHU Bordeaux).

Et c’est fâcheux ! « La gentiane, prisée pour sa racine et ses propriétés digestives, est régulièrement confondue avec le vératre blanc avant leur floraison. Or du fait de la présence d’alcaloïde très toxique dans la racine du vératre blanc, l’ingestion d’un à deux grammes seulement de ce rhizome peut entraîner une paralysie respiratoire», confirme le Dr Jacques Labescat, phytothérapeute. « Au centre antipoison de Lyon, nous avons aussi régulièrement affaire à des cueilleurs du dimanche qui ont confondu du cerfeuil avec de la ciguë (à l’origine du décès de Socrate), des racines du céleri avec celles de l’aconit (dont la toxicité peut conduire jusqu’à un arrêt respiratoire), des fleurs d’acacia avec des fleurs de cytise (responsable de vomissements sanglants) », poursuit le Dr Sapori.

Centre antipoisons

Autres confusions malheureuses : « des feuilles d’arum à l’origine d’une tuméfaction de la langue et de troubles du rythme cardiaque, confondues avec de l’oseille et mises en salade ! Ou du colchique (encore appelé “tue-chien”, c’est tout dire) avec du poireau des vignes. Et dans notre région du Sud-Ouest, on ne compte plus le nombre d’intoxications aux cucurbitacées sauvages (courgettes et courges amères) sources de troubles digestifs. Quand un doute existe, mieux vaut appeler un centre antipoison avant, qu’après », insiste le Dr Oliva Labadie.

Aussi, à moins d’aller cueillir ses plantes avec un botaniste aguerri, il est plus sage de les cultiver soi-même dans son jardin ou en pot (sans produit chimique), en prenant soin de noter ce qui est planté et où : cela évite les risques de confusion et le ramassage de plantes polluées par des pesticides ou des métaux lourds pour celles qui ont poussé à proximité d’un incinérateur ! « Enfin, même en étant sûr d’avoir cueilli la bonne plante, il faut bien avoir conscience que sa concentration en principe actif varie selon le degré d’ensoleillement, de sécheresse des sols, etc. C’est pourquoi il ne faut pas forcer sur les doses », insiste le Dr Sapori.

Il faut enfin se méfier des récoltes «cuisantes». La racine de tamier par exemple, est réputée utile pour en finir avec des douleurs rhumatismales. Problème souligné par le centre antipoison de Lille : les rhizomes de tamier contiennent des concentrations importantes d’acide oxalique et de saponosides, substances très irritantes. Attention à la cueillette ! ■ N. S.-M.

France en 1941 et jamais rétabli alors que ce métier est reconnu dans d’autres pays d’Europe !

Pourtant, les herbes médicinales ne sont pas toujours inoffensives. « Les questions portant sur les plantes représentent 6% de nos appels, estime le Dr Jean-Marc Sapori, praticien hospitalier responsable du centre antipoison des Hospices civils de Lyon. Or, si leurs principes actifs sont à l’origine de l’élaboration de nombreux médicaments, les plantes peuvent être aussi responsables d’effets secondaires. » Ainsi, les amandes amères que l’on trouve dans les noyaux des fruits sont parfois consommées pour leurs vertus anticancéreuses (ou en cuisine, pour agrémenter une confiture d’abricots). Or elles contiennent des substances dérivées du cyanure libérées en présence d’une enzyme, présente dans les cellules cancéreuses mais pas seulement puisque les centres antipoison rapportent des cas d’intoxication, notamment chez l’enfant. D’ailleurs, les données sur les doses toxiques d’amandes amères ne sont pas simples à interpréter.

«Les mauvaises utilisations d’huiles essentielles font également l’objet d’appels réguliers. Plus étonnant, nous avons une progression d’appels liés à des rituels ancestraux de désenvoûtement au cours desquels les victimes absorbent par exemple des métaux lourds (tels que le plomb), sources d’intoxications aiguës ou chroniques », poursuit le Dr Sapori.

Attention encore aux vieux remèdes intéressants pour la recherche, mais pas forcément judicieux en pratique. Exemple : autrefois utilisé en prévention des infections sexuellement transmissibles, le jus de citron, testé depuis en laboratoire, présente bien un certain pouvoir

« De toute façon, quand on débute, autant s’en tenir aux remèdes faciles à préparer et qui font l’unanimité », conseille le Dr Jacques Labescat, médecin phytothérapeute, auteur de nombreux livres, dont Potions magiques de médecins oubliés (Éd. Anfortas) et auteur du blog www.soignerparlesplantes.fr.
De façon générale, on se sert des parties aériennes d’une plante pour faire une infusion (une cuillerée à soupe que l’on laisse infuser, hors du feu, dix minutes, dans l’équivalent d’une tasse d’eau portée à ébullition). Avec les parties souterraines ou solides d’une plante, on fait plutôt des décoctions (racines, écorces, etc. sont plongées dans une eau froide portée à ébullition et laissés de 2 à 10 min sur le feu). Bien utilisé, cela fait souvent… du bien. ■

Depuis 1815, l’herboriste le Père Blaize soigne et conseille à Marseille.

« MES PARENTS avaient leur propre potager et se concoctaient leurs tisanes, raconte Maryse Tuaillon, mais je ne m’y suis pas vraiment intéressée avant 2005, en dehors de quelques astuces classiques comme, par exemple, extraire le suc jaune d’une tige de chélidoine coupée en deux, pour appliquer sur une verrue deux ou trois fois par jour jusqu’à disparition complète. J’étais alors sage-femme à l’hôpital et donc plus habituée aux traitements pharmaceutiques classiques qu’aux remèdes à base de plantes ! Puis, j’ai stoppé mon activité lorsque mon

mari a été muté en Seine-et-Marne, et Sophie Lacoste, qui a créé son journal il y a vingt ans, m’a proposé un poste au courrier des lecteurs de Rebelle-Santé, un journal dédié aux médecines naturelles.

« C’est ainsi que je réponds, depuis plus de dix ans, à des lecteurs en quête d’informations sur un remède de grand-mère : je cherche alors tout ce qui a déjà été écrit dans le journal pour leur répondre. Mais je vois également passer le courrier de lecteurs nous livrant leurs astuces ! C’est un échange permanent ! À titre personnel, à force d’entendre parler de recettes de grand-mère du matin au soir, certains réflexes que je tenais de mes parents me sont aussi revenus.

« Aujourd’hui, devant un bouton, mon premier réflexe est d’appliquer une goutte d’huile essentielle d’arbre à thé plutôt qu’une crème antibiotique. Il m’arrive même de conseiller des tisanes de persil aux jeunes mamans qui veulent stopper une montée de lait : un remède dont je n’avais jamais entendu parler quand j’étais sage-femme !

«Un jour, un lecteur nous a écrit ne plus avoir de crampes nocturnes en

plaçant simplement un savon de Marseille enveloppé dans un bas au fond de son lit. Une blague ? Nos lecteurs, à qui nous avons posé la question, nous ont assuré l’utiliser. Lorsque l’on souffre de crampes, c’est que l’on a un manque de potassium intracellulaire : or certains estiment que le savon de Marseille naturel contient justement du chlorure de potasse qui, grâce à la chaleur du lit, libère son composant actif. Il serait intéressant que la recherche se penche sur la question pour vérifier si c’est aussi efficace ! » ■ N. S.-M.

PMAGNIEN@MSN/MAXPPP

Article publié sur le site Soigner par les plantes le : 27 février 2017

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