Paris, le mercredi 4 octobre 2017 – Après l’avalanche d’articles présentant les témoignages de patients décrivant des effets secondaires attribués à la nouvelle formule du Levothyrox, la presse, notamment régionale, multiplie les reportages dans les officines prises d’assaut depuis lundi par des patients impatients de pouvoir retrouver l’ancienne formule.
Des patients qui dans la très grande majorité des cas n’ont pu obtenir satisfaction.
Outre les refus adressés à ceux qui ne remplissaient pas les conditions précisées par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) (présenter une ordonnance postérieure au 14 septembre précisant le nom d’Euthyrox), les pharmaciens ne disposaient le plus souvent pas du produit demandé.
Un délai impossible à tenir
Puisqu’on n’apprend jamais de ses erreurs, une fois encore, c’est la communication qui a pêché. Concernant d’abord la date : tous les médias ont affirmé que l’ancien Levothyrox serait de nouveau de retour ce lundi dans les pharmacies sans être frontalement démentis par des autorités sanitaires sans doute désireuses de ne pas être taxées de lenteur. Résultat : ainsi informés par les médias, tous les patients que l’on avait invités dans les officines à “revenir lundi” étaient au rendez-vous à la première heure ce 2 octobre.
Une ponctualité qui n’a pas été récompensée. Pourtant, certains, dès la fin de la semaine dernière prédisaient que la promesse serait difficile à respecter : “Le délai me paraît difficile à tenir. A mon avis, il n’y aura pas de Levothyrox en pharmacie avant le 15 octobre” remarquait ainsi dans les colonnes de La Dépêche du Midi Michel Laspougeas, président du Conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Midi-Pyrénées.
Des pharmaciens mieux informés par les réseaux sociaux que par les autorités
Outre cet illusoire respect du timing, l’information des pharmaciens par les autorités de tutelle, à l’instar de ce qui a été observé depuis le début de la “crise” par une majorité d’entre eux, n’a pas été sans faille. Au-delà du changement à la dernière minute de la date à partir de laquelle les ordonnances pouvaient être acceptées, la plupart des pharmaciens ignoraient lundi qu’il leur était exceptionnellement possible de transmettre directement les ordonnances de leurs patients à leur grossiste pour bénéficier des dosages adaptés. Une possibilité méconnue et dont il était qui plus est difficile de jouir en raison de l’état de débordement de la plupart des grossistes, dont témoignaient les bugs en cascade des outils informatiques. Heureusement, les réseaux sociaux continuaient à fonctionner : ils sont depuis le début de la crise une source de renseignement bien plus rapide que les autorités sanitaires comme l’ont remarqué ironiquement certains pharmaciens.
Des prescriptions trop rapides ?
La situation de panique qui a été observée dans les officines ces deux derniers jours paraît par ailleurs mettre en évidence une sous-estimation du nombre de patients désireux de troquer la nouvelle formule contre l’ancienne. Le rappel fait aux médecins de ne prescrire l’ancien Levothyrox qu’en dernier recours pourrait ne pas avoir été un garde-fou suffisant pour éviter une pénurie prématurée. « Nous avons des remontées qui montrent que ce n’est pas forcément ce qui se passe » a ainsi indiqué sibyllin le patron de l’ANSM, Dominique Martin.
Il semble donc probable que la situation quasiment ubuesque à laquelle doivent faire face les pharmaciens soit destinée à se prolonger dans le temps. « Le plus incroyable, c’est que l’on gère une pénurie d’Euthyrox, un médicament qui ne sera même plus disponible dans quelques mois », résume cité par le Figaro Jean-Philippe Thil, pharmacien en Seine-et-Marne.
Pour beaucoup d’officinaux, les évènements de ces derniers jours les confortent dans l’idée que le retour de l’ancienne formule, au-delà du signal paradoxal envoyé aux Français, était une mauvaise solution car elle ne prépare nullement les patients à l’idée que ce médicament est destiné à disparaître. D’ailleurs, déjà, une association de patients critique le caractère temporaire de la réintroduction de l’ancienne composition.
Perquisition
Parallèlement aux difficultés que rencontraient les pharmaciens pour répondre aux demandes des patients, le volet judiciaire connaissait hier une nouvelle étape avec une perquisition organisée au siège du laboratoire Merck à Lyon. L’opération a été menée par l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte pour « tromperie aggravée, atteintes involontaires à l’intégrité physique et mise en danger de la vie d’autrui ». Pour les officinaux qui ont pris connaissance de cette intervention alors que se multipliaient les demandes de malades inquiets, l’information a été plutôt considérée comme positive. « Les patients qui étaient en souffrance et que l’on n’écoutait pas assez vont se sentir enfin reconnus » a ainsi analysé un pharmacien interrogé par La Voix du Nord.
Aurélie Haroche